accueil


Introduction :

C’est en 2016 que Susan et Jean-Paul m’avaient sollicité pour les aider à organiser quelques concerts en Sibérie. Après quelques tentatives, quelques contacts pris, j’avais décidé qu’il était encore trop tôt pour que je me lance dans un tel défi.

En stage à l’Alliance Française de mars à juillet 2017, je me suis senti plus à l’aise dans le tissu social de Novossibirsk et ai proposé à la Directrice de l’Alliance de se rendre partenaire de l’opération. En l’absence d’aides pour ce genre d’animation culturelle, Elena Yatsinevitch ne pouvait financièrement contribuer à l’opération mais elle m’a proposé de soutenir le projet en en faisant la promotion, via le site Internet, et par un mailing adressé aux membres et sympathisants de l’Alliance Française. C’est ainsi que nous avons décidé de mettre le projet en marche. Les démarches de visa, le contact des diffuseurs potentiels de musique, directement ou par l’intermédiaire d’amis et d’amies en relation avec eux, la réservation des lieux d’hébergement, - bref tout un ensemble de contacts et de démarches a été pris et mis en œuvre.

Cela ne s’est pas fait sans quelques frayeurs et rebondissements, mais peu à peu toutes les pièces de ce grand puzzle se sont trouvées à leur place et il ne restait plus qu’à attendre l’arrivée des artistes !


22 juin 2017 - Susan et Jean-Paul arrivent

Les artistes sont arrivés au petit matin et sont allés directement vers un appartement loué près de la gare d’Akademgorodok.

L’appartement loué n’est pas très confortable, et, au rapport avec une chambre d’hôtel ou d’autres appartements, son prix ne paraît pas vraiment justifié. Je l’avais conseillé pour sa situation voisine avec la gare du nom de "Seatele", laquelle permet autant d’aller au centre-ville que vers la plage et se trouve à quelques minutes de bus du centre d'Akademgorodok. Mais j’aurais dû vérifier les photographies, s’il y en avait. Ou peut-être me méfier, justement, s’il n’y en avait pas.

Enfin, cette légère déception mise à part, les voici installés le matin à 9 heures et prêts à se reposer. Ils en avaient besoin après la nuit de voyage, et d’autant plus qu’ils commencent à jouer le soir même de leur arrivée !

Nous sommes arrivés au café Skvaretchnik à 18 heures comme prévu. La responsable, Tatiana, était un peu nerveuse. Il est évident que ce concert représentait pour elle un investissement. Nous avons commencé par connecter les instruments, en essayant tant bien que mal à apprendre comment utiliser ce système que nous ne connaissions pas. La fatigue se sentait dans la légère nervosité de Jean-Paul et Susan, surtout qu’ils allaient tester pour la première fois des micros qu’ils avaient acheté avant de venir pour leurs instruments. Le système s’est avéré très efficace.

Les clients ont commencé à arriver. Pas une foule mais cependant suffisamment pour remplir les tables sur la terrasse devant les artistes. Heureusement que Valentin était présent, un homme que j’ai rencontré dans le bus et qui parle très bien français. Il nous a permis de communiquer avec le public pour présenter le groupe et quelques morceaux.

A 19h 30 environ ils ont commencé à jouer. Ce devait être pour un premier set de 30 minutes. Après 20 minutes une tornade commence à se déchaîner, emportant un gros parasol qui heureusement n’était pas à portée des spectateurs. La tornade va tourner en orage et des trombes d’eau se mettent à tomber sur la toile de la terrasse. Les artistes ne se dégonflent pas et continuent de jouer. Au plus fort de l’orage, l’écran sonore était limite pour la perception de la musique. On a pensé tous les trois qu’un arrêt de la musique donnerait l’occasion à bon nombre des spectateurs de rentrer chez eux, d’autant plus que la pluie avait sérieusement fait tomber la température. Le bar a apporté pour les spectateurs des couvertures, une habitude dans les pays à tendance froide. Du coup le concert s’est fait en une seule partie et la pluie s’est lassé plus vite que les musiciens.

Une soirée donc un peu particulière mais très sympa, en partie grâce à Valentin qui a permis la communication entre les artistes et les spectateurs. C’est dommage que soit survenu cet orage qui a certainement fait changer d’avis à tous ceux qui ne sont pas arrivés avant la pluie. Certains sont arrivés plus tard mais le concert était déjà terminé. Cela ne les a pas empêchés pour autant de consommer un peu et d’arrondir les recettes de la soirée. Finalement nos hôtes ont semblé satisfait de leur soirée. Nous avions entamé notre tournée dans la bonne humeur !


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24 juin 2017 - Deuxième concert : Le "Pardon my french"

Vendredi a été un jour de relaxe pour Susan et Léa. Ils en ont profité pour dormir un peu et faire le transfert entre l’appartement de Kirill et l’hôtel Centralnaïa au Centre-Ville. Une petite promenade ensemble en fin d’après-midi dans les rues de Novossibirsk. De la place Lénine où nous nous sommes donné rendez-vous à la station de bus et de métro « Ritchnoï Vokzal », littéralement « gare fluviale ». En route nous passons repérer où se trouve le café « Pardon my French » dont le copropriétaire est un cuisinier français qui, lui-aussi, a rencontré une jeune femme de Novossibirsk et est venu s’installer ici il y a dix ans. François tenait beaucoup à ce concert mais il m’a appris il y a quelques jours qu’il ne pourrait pas être là, - il devait partir en France.

Au café nous rencontrons donc la Directrice, Olga, qui malheureusement ne parle pas de langue occidentale. Nous prenons quand même quelques dispositions pour le lendemain.

Ensuite nous longeons la large rivière d’Ob, dans une promenade très agréable où les Russes aiment à flâner à toutes les heures du jour et de la nuit. S’il n’y avait pas ces redoutables petites mouches qui nous tournent autour, le lieu et l’heure seraient absolument merveilleux. Cela ne nous empêchera pas de faire une photo devant le pont du Transsibérien.

Le lendemain, nous nous retrouvons au « Pardon ». Susan et Jean-Paul ont déjà fait la balance avec une espèce d’ours de technicien qui leur a dit ni bonjour ni au-revoir. Des comme ça, il y en a malheureusement quelques-uns. Mais tous les autres, équipe du service et clients, ont été adorables, et François a appelé pour nous souhaiter la bienvenue et veiller à ce qu’on soit reçu le mieux possible. Nous sommes accueillis avec trois bières bien fraîches, du saucisson de Barnaoul, très bon, et un pâté de volaille tout aussi délicieux. Nous retrouvons aussi Olivier Court et sa femme Natalia, ainsi qu’une enseignante de l’alliance française et son compagnon. Conversations autour d’un verre, jusqu’à l’heure décidée pour le début du concert.

Les spectateurs sont enthousiastes. Cette musique c’est un peu la France qu’ils ont rêvée. Une France si bien mise en valeur par le cinéma, la littérature et la peinture impressionniste. Une spectatrice parlera de « Midnight Paris » de Woody Allen. C’est bien ça : un Paris tel qu'on l'a rêvé et à l'abri d'une modernité parfois brutale. C’est cette vision qui fera le succès de cette tournée, jointe bien sûr au talent des deux musiciens !


Nous terminons par une photo de groupe avec les plus fans !


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26 juin 2017 - Les derniers concerts à Novossibirsk.

Nous sommes toujours dans une tournée à deux vitesses, surtout quand l’équipe est petite : en plus du présent nous devons aussi nous préoccuper des lendemains. Nous avons donc consacré le début de journée de dimanche à aller acheter des billets de train. Nous partons en effet mercredi en Altaï, dans une petite ville d’eau que j’avais déjà détaillée dans ces carnets. J'y avais connu Daria, interprète de circonstance et chanteuse, avec qui je suis resté en contact. C’est elle qui nous a organisé les dates que nous aurons à Belokourikha en fin de semaine. L’attente devant le guichet de la superbe gare de Novossibirsk a été très longue. Sans compter le temps qu’il a fallu à la guichetière pour recopier sur son ordinateur tous les renseignements qu’elle emprunte à nos passeports.

Au bout d’’une heure environ, nous avons pu sortir dans la cour, face à la gare, pour aller prendre le bus 8, - décor régulier de ma série « Voyageuses Urbaines » - pour nous rendre à Akademgorodok.

La journée avait commencé pluvieuse, ce qui a permis d’éviter une nouvelle canicule, car, aussi surpris qu’on pourra l’être, il fait assez chaud en Sibérie en cette partie de l’été.

Au Tchachka Coffe, quelques consommateurs sur l’immense terrasse. Nous sommmes sur l'avenue principale d'Akademgorodok, dont le nom peut être traduit par "Boulevard de la Mer". On nous propose de nous installer avec la sono devant la vitre du café. Mais il y a une sorte de voile entre cet endroit et les clients de la terrasse. Je propose donc qu’on joue en acoustique directement sur la terrasse. Un peu d’inquiétude au début chez les serveurs, qui ont toujours peur de ne pas avoir assez de place pour passer.

Ce sera probablement la meilleure idée pour capter l’attention du public. J’ai vu, dans cet endroit, différents concerts, jazz, électro, où les consommateurs étaient totalement indifférents aux musiciens : pas un regard, pas un applaudissement. Je n’avais pas envie de reconduire le scénario avec Susan et Léa.

Au début les clients étaient éparpillés sur l'immense terrasse, mais peu à peu d'autres clients informés du concert sont arrivés et se sont installés à proximité des musiciens. Il y avait au moins trois professeurs de l’Alliance Française, plus Katia, la Présidente de notre club de conversation d’Akademgorodok. Il y a eu aussi Lena et Lisa et je me permets de choisir cette vidéo où la petite Lisa danse en écoutant la musique, avec en main le ballon offert par l’établissement :

Au début une ambiance un peu surprise et hésitante. Heureusement, Katya, présidente du club français et Natalia Chevtchouk, vice-Présidente du club et professeur à l'alliance française, se relaient pour la traduction, permettant une relation très importante avec le public. Une aide précieuse qui permettra de soulever à la fin l'enthousiasme général. Un très beau dimanche après-midi.

Le lendemain nous nous retrouvons au Brodyachaya Sobaka (le chien errant), lieu de notre dernier concert à Novossibirsk. Il s’agit d’un cabaret très joliment aménagé, en sous-sol, pouvant accueillir une bonne centaine de personnes. Natalia Boukevitch est avec nous. Natalia s’est spécialisée dans la promotion de la Sibérie auprès du public français. Elle est parfaitement francophone et je lui ai demandé d’organiser le séjour au Baïkal que veulent faire ensuite Susan et Léa. Elle nous organise aussi demain une sortie à Colivagne, l’endroit où Michel Strogoff va traverser la rivière d’Ob. Je vous renvoie à vos classiques !

Je pensais que des professeurs de l'Alliance Française serait présents ce soir. Mais en fait ils sont déjà venus voir le spectacle les jours précédents, au "Pardon my French" et au "Tchachka Coffee". Donc pas de professeur présent ce soir pour faire la traduction. C'est donc Natalia qui s'occupera de faire l'interprète pour la soirée. Heureusement que ce petit jeu improvisé, après l’avoir un peu terrorisé, a fini par l’amuser !

Quant au public, il est arrivé tout d’un coup, alors qu’on mangeait nos dernières cuillerées de purée dans la loge. Une salle comble, constitué à 90% au moins de femmes ! Un certain nombre d’ailleurs parlaient français - nous nous en rendrons compte en fin du concert. Une preuve de l'efficacité de la communication opérée par l'Alliance Française : une page sur toute la tournée dans le site de l'Alliance (composée par Svetlana Chkarina) et un important mailing envoyé à tous les sympathisants de l'Alliance par la directrice, Irina Yatsinevitch.

Le concert fut un très beau succès. La salle enchantée, enthousiaste. Susan et Jean-Paul sont installés sur la petite scène noire, un très beau son en façade assuré par un certain Slava. A la fin du concert un débat avec le public a fait office de cerise sur le gâteau,- ces dames ravies d’entendre quelques anecdotes à propos de la musique française, de Paris, de la France en général.

Retour le soir en taxi à Akademgorodok, une super musique jazz électro en veilleuse dans les enceintes. Paris Sepia est gonflé à bloc par son succès du jour !


Et quand même, une petite photo de l'équipe !

De gauche à droite : Philippe B. Tristan ; Susan Severson Barbier ; Lucia (Manager au Sobaka) ; Jean-Paul Barbier.


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27 juin 2017 - Sortie culturelle à Kolivagne

C’est encore Natalia qui nous a organisé cela. Je suis en contact avec Natalia depuis quelques semaines et nous avons beaucoup échangé sur les moyens de promouvoir le tourisme en Sibérie, ce qui est le thème de mon mémoire de Master 2 (Oui, je suis redevenu étudiant pour un an)

Je défends cette idée que venir visiter la région sans prendre le temps de s’intéresser à ce qui s’y est passé, c’est risquer de repartir déçu. Natalia a donc eu l’idée d’organiser cette visite à Kolivagne. Pourquoi cette ville ? Parce que c’est la ville (en fait davantage un gros village) la plus ancienne de la région. Elle doit cette primeur au fait qu’elle s’est trouvé sur la route historique qui allait de Moscou au grand Est, en passant notamment par Irkoutsk. De ce fait, elle était un relais incontournable pour les voyageurs, qu’ils soient marchands, prisonniers ou représentants du pouvoir.

Natalia nous a donc prévu deux visites, l’une d’un vieil homme qui a monté son musée du travail du bois dans l’architecture traditionnelle, l’autre d’un musée ouvert depuis peu qui porte le nom de musée ethnographique.

Nous avons donc commencé par aller voir Arcady qui a installé son musée dans une pièce d’un grand bâtiment en bois qui fait aussi office d’école élémentaire. Arcady reçoit pour la première fois des visiteurs étrangers. C’est donc pour lui un moment historique !

Nous retiendrons surtout de la visite une partie de la symbolique que l’on retrouve sur les ornements extérieurs des isbas russes. L’inspiration, selon Arcady, vient des anciennes croyances païennes slaves. Sur le fronton au-dessus de la porte figure souvent un cercle en bois, qui évoquait le dieu Dajbog, - dieu du soleil. Quant aux enluminures se trouvant sur le fronton des fenêtres, Arcady nous explique qu’il représente une femme enceinte. Mais il faut regarder le motif avec beaucoup d’attention. Arcady nous parlera aussi du premier fortin installé par les Cosaques dès qu’ils eurent conquis la région, lequel sera à l’origine du développement de la ville.

Susan a bien sûr été tentée d’essayer le vieil accordéon qui figure dans la collection d’Arcady.

Après nous avoir présenté son musée personnel, Arcady nous emmènera dans la rue où se trouve les plus anciennes isbas, lesquelles sont classées comme monuments historiques. Cela les protègera des reconstructions anarchiques et surtout, permettra leur conservation car beaucoup d’isbas russes sont amenées à disparaître.

Après une petite pause dans un café du coin, nous nous rendons dans le beau bâtiment en brique où a été installé le musée ethnographique. Ces musées manquent parfois de rigueur scientifique mais ont au moins l’avantage d’expliquer un certain nombre de réalités locales. La guide est aussi intimidée par la visite d’étrangers, son exposé sera très intéressant mais un peu long. Je pense que ces visites pour les étrangers devraient être légèrement différentes que pour les visiteurs russes. Car il y a beaucoup d’évidences pour des russes qui ne le sont pas du tout pour nous. Mais la visite de pièces représentant l’intérieur des marchands (riches) puis d'une autre pièce présentant l’isba populaire étaient fort intéressantes. De même la guide évoqua avec un peu plus de précision cette histoire de la conquête de cette région par les russes, l’importance du fortin dans le développement de la ville, les différents commerces qui s’y menaient, et l’activité très variée des artisans.

On nous a parlé aussi des décembristes, ces jeunes nobles démocrates, auteurs d’un coup d’état raté en 1825, qui, envoyés vers Irkoutsk pour y être enfermés dans des camps, ont naturellement fait escale dans la petite ville étape.

Je ferai remarquer à nos deux guides qu’ils devraient, avec les touristes français, mentionner que le héros de Jules Verne « Michel Strogoff » s’est arrêté dans leur ville, qu’il a même essayé d’aller à la poste pour y envoyer un télégramme à Irkoutsk. « Le bâtiment de la poste existe encore ! » - me répondra-t-on.

Petite photo souvenir avant de reprendre la route pour Novossibirsk.


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29 juin 2017 - En route pour Belokourikha.

Les jours ont passé très vite et nous n’avons même pas eu le temps d’aller voir « notre » mer, je veux parler de Morskoïe More, « La mer d’Ob ». A Belokourikha, mon amie Daria (cf Les Carnets de Sibérie) a fait fonctionner son réseau de connaissances et, peu à peu, les concerts se sont ajoutés, jusqu’à provoquer notre départ un jour plus tôt que prévu.

Départ depuis la gare de Seatele, en fait la gare d'Akademgorodok

Je rappelle que Daria est chanteuse. Elle est d’abord venue s’installer à Belokourikha avec sa sœur Elena. Elles ont commencé à jouer ensemble dans un petit restaurant installé dans un « aÿl », une habitation traditionnelle sibérienne. Et puis Daria a rencontré Kostia lors d’un festival de bardes (les chanteurs qui s’accompagnent à la guitare). Ils se sont mariés et Kostia qui était de Novossibirsk est venu s’installer à Belokourikha. Entretemps Elena, la sœur de Daria, est repartie vivre à Touva où résident ses parents. Elle donne maintenant des cours d’art dramatique, comme sa maman, dans la petite ville de Saryg-Sep. Pour ceux qui n’ont jamais entendu parler de Touva, il s’agit d’une petite république russe voisine de la Mongolie.

Et qu’en est-il de Belokourikha où vivent Daria et Kostia ? Je peux encore référer aux Carnets de Sibérie pour le détail de l’histoire de cette ville. Pour résumer il s’agit d’une petite ville d’eau située au début du massif de l’Altaï. Rien à voir avec aucune ville des régions avoisinantes. Belokourikha est destinée aux touristes de la classe moyenne à supérieure, et tout a été mis en œuvre pour qu’elle offre immédiatement l’image d’un lieu à part. Les Russes sont comme ça. Chaque chose doit être « parfaitement » à sa place. C’est ainsi que Belokourikha est un peu comme une ville suisse déplacée en Sibérie. Les routes, une vingtaine de kilomètres en avance, sont soigneusement entretenues alors que les routes russes laissent souvent à désirer. Même les fermes aux abords sont impeccables et des troupeaux de vaches paissent tranquillement dans les champs. Oui, on se croirait dans une photo imprimée sur un paquet de chocolat Mika.

En guise de chalet suisse, une isba traditionnelle fait office de bibliothèque municipale

Dans la ville, idem pour l’état des routes. Les trottoirs sont d’une propreté absolue. Les accotements, bordures, soigneusement entretenus par des paysagistes. Et autour de tout cela des sanatoriums, des hôtels, des restaurants, des boutiques de souvenirs, des piscines à gogo.

Nous ne sommes pas pour autant dans une ville thermale à la française. Ici un sanatorium n’est pas à proprement parler un établissement de soins. C’est avant tout un lieu de détente où les soins sont davantage cosmétiques que thérapeutiques. Quant au public il ne s’agit pas des retraités de nos villes thermales mais de familles complètes, souvent des enfants aux grands parents. Il y a bien sûr aussi des célibataires en vacances qui espèrent, peut-être, rencontrer ici l’âme sœur.

On comprendra qu’il y ait ici une demande de produits de divertissement, dont les produits culturels. Voilà pourquoi Daria et Kostia peuvent y vivre leur vie de musiciens (Kostia a quand même un travail de complément), et voilà aussi pourquoi Daria a fini par trouver trois concerts pour Paris Sepia, voire même quatre puisqu’elle a reçu une nouvelle proposition ce matin !

Le premier concert a eu lieu dans un sanatorium du nom de « Katoun ». La Katoun est une célèbre rivière d’Altaï, une de deux rivières qui vont constituer l’Ob.

L'entrée du Sanatorium "Katoun", avec la piscine à droite de l'établissement.

Etant donné que les clients fréquentent peu la salle de concert en cette saison (ils préfèrent aller se promener), l’établissement avait décidé de présenter Paris Sepia dans leur restaurant. C’était une première et le premier souci a été de décider comment on allait sonoriser le concert dans un lieu pareil : immense, sonore et aux parois très réfléchissantes. On a fini par opter pour deux micros témoins, ce qui a à peu près fonctionné.

A début, les clients faisaient ce qu’ils étaient venus faire : manger (n’oublions pas : chaque chose à sa place). Et puis ils ont fini par découvrir que le concert avait quelque chose de spécial, puis que c’était bien, et finalement s’est constitué autour de Susan et Léa une petite assemblée de spectateurs attentifs et enthousiastes. Un succès qui nous a sans doute permis d’avoir droit à un repas, même si celui-ci n’était pas prévu au départ. Je précise ce détail qui peut sembler anecdotique. Mais le fait de nourrir les artistes, qui est presque une évidence en France, ne l’est pas du tout ici. La plupart du temps les artistes doivent payer leurs consommations et, au tarif où elles sont, ils pourraient facilement pour se nourrir devoir y consacrer une grosse partie de leur salaire.

Après le repas, nous sommes allés retrouver Daria et Kostia. Eux jouent dans un bar, à quelques mètres du sanatorium où nous étions. Ils ont emmené avec eux Victor, leur petit garçon, ce qui fait qu’ils jouent en alternance, se relayant pour la surveillance de l’enfant. Daria et Kostia ont décidé de m’inviter à partager leur petite scène. C’est très aimable à eux et nous a permis de passer une soirée très sympa, -toute l’équipe réunie autour de cette petite famille si touchante et pleine de charme. Un joli couple qui vit de son talent, - et qui nous a permis, pendant quelques heures, d’entrer dans le film où ils ont les premiers rôles.

Un film qui resterait à tourner, - on y apprendrait tellement de choses sur la jeunesse russe d’aujourd’hui... En rentrant chez eux après le concert, vers 23 h 30, ils se sont arrêtés à un 24/24 pour y acheter à manger. On a terminé la soirée autour d’une bière avec un sandwich au foie de poisson. Je n’ai pas précisé que Daria et Kostia m’ont invité à partager leur appartement. C’est très gentil de leur part et je suis très content d’avoir l’occasion de les connaître davantage.


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30 juin 2017 - Deuxième concert à Belokourikha : La cinquième roue.

Nous avons commencé la journée par une réunion avec les managers d’un restaurant qui s’appelle « Michelle ». Daria et Kostia nous ont accompagnés et Daria interviendra comme interprète. A l’ordre du jour deux sujets : l’éventualité d’un concert dimanche ; l'organisation de concerts pour une période ultérieure, - de préférence l’hiver. Ce n’est pas la première fois qu’on nous fait remarquer que la meilleure saison pour les concerts est la période hivernale. Au final, nous convenons de laisser tomber la première version qui aurait dû se faire une fin d'après-midi car toutes les dates de notre présence à Belokourikha sont occupées en soirée. Nous sommes repartis avec l’éventualité d’une semaine complète à la fin de l’année, 31 décembre compris.

Il faudra donc qu’il y ait une structure ici pour les accueillir et organiser leur séjour, et je pense que je vais faire évoluer ma situation improvisée de manager en une structure professionnelle. Espérons que j’aurai assez de temps pour préparer tout çà avant décembre. Dans l’univers des projets, le temps passe très très vite…

Nous faisons une étape à l’endroit où Kostia travaille. Il s’agit d’un atelier de céramique. Kostia nous fait une démonstration de son tour de main, puisque de tour il s’agit bien. Susan et Jean-Paul achèteront deux tasses signées, au revers, de la main de Kostia.

Kostia garde la voiture et nous allons à pieds rejoindre le lieu où nous allons jouer le soir. Il s’agit de la « cinquième roue » (Piatoe Koleko), un restaurant assez luxueux du centre de la station. Nous prenons connaissance des dernières instructions, heure précise de départ, heure de fin, pauses et tous ces détails. Nous repérons aussi le lieu où les artistes vont s’installer. Le matériel de sonorisation est en place en permanence et un ingénieur du son viendra nous aider à l'installation. Aucun problème majeur en vue, les artistes repartent confiants. Je vais rester quelque temps au restaurant pour profiter de leur wifi tandis que Susan, Daria et Jean-Paul repartent à leurs appartements.

Je déciderai de rentrer à pied plutôt qu’en bus. Le centre de la station est à environ trois kilomètres du centre de la ville. Entre les deux, une route bien sûr, mais aussi une promenade très agréable au bord de la rivière. C’est par là que je rentrerai, croisant de jeunes couples et beaucoup de femmes et leurs enfants. C’est d’ailleurs un fait qu’on remarque très rapidement à Belokourikha, la proportion des femmes. Elles sont en grande majorité, mères, grand-mères et leurs enfants ou petits-enfants.

Nous nous sommes donné rendez-vous à 19 h à la Cinquième Roue. L’ingénieur du son est bien présent et, comme celui qu’on avait croisé à Novossibirsk au « Pardon my french », il ne s’embarrasse ni de politesse, ni de cordialité. Jean-Paul fait remarquer que c’est une des premières choses qu’on apprend à un futur ingénieur du son en France : à être aimable, poli et à l’écoute des artistes.

L'entrée de la "Cinquième Roue" (Piatoe Koleko)

Bref, le concert finit par démarrer mais cette fois Paris Sepia n’arrivera pas à un échange avec le public comme ça avait été le cas chaque fois auparavant. La Cinquième Roue est un restaurant plutôt cher et les familles qui le fréquentent n’ont pas l’habitude de porter un intérêt particulier aux musiciens. Ils sont calmes et silencieux, parfois on en voit bouger la tête en rythme, ce qui indique bien qu’on est attentif à la musique, mais pas de grandes manifestations d’enthousiasme.

Quelques applaudissements quand même, mais pas systématiquement. Susan et Jean-Paul ont à la fin hâte que le concert se termine. Ils ne recevront pas aujourd’hui les preuves d’amour des concerts précédents. Une dame vient quand même les voir à la fin pour les féliciter et on ne s’est pas privé de faire une bonne quantité de selfies sous leur nez comme le montre cet extrait !

Après le concert, nous allons retrouver Daria et Kostia dans le café où ils jouent. Daria ayant bu un verre de bière, ils décident de rentrer à pied à la maison. Ici la tolérance au volant est de zéro, personne ne prend le risque de conduire après même quelques gorgées d’alcool. Nous voici donc tous les six (avec le petit Victor) à rentrer ensemble par la promenade au bord de l’eau. On fait une halte cigarette et Jean-Paul propose à Kostia d’essayer son banjo. Un Instrument relativement marginal en Russie. Kostia prend le banjo et tout le monde part dans une improvisation nocturne. Ce sont dans des instants semblables qu'un voyage devient magique...

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Samedi 1er juillet : Paris Sépia au festival "VotEthno".

Aujourd’hui notre petit trio se sépare : Susan et Jean-Paul partent au festival VotEthno et je reste, quant à moi, avec Daria et Kostia à Belokourikha.

C’est Natalia qui avait pris contact avec ce festival de musique ethnique qui se trouve au bord de la rivière Katoun, dans les montagnes de l’Altaï, à une petite centaine de kilomètres au sud de Belokourikha. Le festival a lieu dans la région du kraï de l’Altaï, dans une zone limitrophe avec la République d’Altaï. J’ai déjà expliqué dans les Carnets de Sibérie la différence de statut administratif entre un kraï et une république. La fédération de Russie est composée de trois types de pays-régions (les « sujets » de la fédération) : l’Oblast, dépendant directement de Moscou, Le kraï avec une plus grande autonomie, et les républiques à l’autonomie encore accrue.

Le concert de Paris Sépia était prévu en début de soirée. Les festivaliers n’étaient pas encore tous arrivés, le festival étant programmé jusqu’à tard dans la nuit. Une ambiance très cool d’après les deux musiciens, un site magnifique au bord de la rivière, avec des festivaliers profitant autant de l’espace propre du festival que des bords de la rivière, comme on le voit sur la vidéo tournée par Susan. Ce groupe de femmes chantant au milieu de la rivière est un peu à l’image de l’esprit du festival.

Le responsable du festival, Yuriy Nicolaevitch Romanov, est psychologue de formation. Il connait parfaitement les groupes qu’il a sélectionnés, chantant parfois sur les bords de scène en même temps que les groupes sous les projecteurs. Ce qui indique qu’il connaît une partie du répertoire par coeur. Il a d’ailleurs réservé à Paris Sepia un accueil particulier, mettant à leur disposition la jeune Nadia qui va les accompagner toute la journée, leur tenant lieu de guide et d’interprète. C’est aussi grâce à elle que nous avons pu récupérer quelques fragments vidéo du concert de Paris Sépia.

Paris Sépia sur scène au festival VotEthno (vidéo réalisée par l'accompagnatrice)

On le voit, les festivaliers se sont laissé cette fois aller à la danse, et l’ambiance était parfaite pour les deux musiciens. Quant au restant de la programmation, il s’agissait de musiques locales, tant de groupes natifs mêlant la voix de gorge des Altaïens à des arrangements contemporains, que des groupes ethniques russes, comme un groupe de cosaques dont la prestation a beaucoup impressionné nos musiciens français. Une vraie découverte pour Susan et Jean-Paul qui sont toujours à l’écoute de musiques originales et authentiques. En revanche les organisateurs n’ont pas été ménagés par la météo. D’après eux il y a eu des moments de pluie chaque jour et, lorsque Susan et Jean-Paul sont arrivés à leur hôtel, des trombes d’eau ont commencé à tomber, ce qui a certainement perturbé, voire interrompu, la fin du festival.

Je suis resté de mon côté à Belokourikha. L’après-midi, après mes travaux d’écriture, je suis rentré à nouveau au centre-ville par la promenade au bord de la rivière. Pour la première fois j’ai pu observer ce qu’on appelle ici un « Maral ». C’est une espèce de cerf avec des bois semblable à ceux des élans. Leur élevage est une véritable industrie dans les deux régions d’Altaï car on utilise les bois pour différents produits cosmétiques et thérapeutiques. Le sang contenu dans les bois aurait des vertus particulières pour la santé, et pour la virilité des hommes. Les Chinois et les Coréens sont de grands amateurs de ces produits. Leur poids économique dans les deux régions d’Altaï est important. Celui-là broute tranquillement en bordure de rivière, et se laisse facilement approcher pour une photo souvenir.

Le soir nous jouions avec Daria et Kostia dans le bar où ils se produisent en fin de semaine, le Vremia Yest (« On a le temps… »). Contrairement au festival, l’arrivée du mauvais temps a poussé les clients à l’intérieur du café et le concert, où nous jouions en alternance, s’est terminé devant une salle comble et attentive.

De retour à l’appartement de mes amis, Kostia m’a fait découvrir des clips qu’il a réalisés avec son groupe lorsqu’il vivait à Novossibirsk. Le groupe s'appelait « Dogma » (le dogme) et a eu sa période de succès, comme on peut le voir sur la vidéo, - jusqu’à ce que Kostia abandonne Novossibirsk et ses compères musiciens pour venir vivre à Belokourikha avec Daria. Je vous propose de découvrir une de ces vidéos. On y voit un Kostia particulièrement charismatique, - chanteur et leader de ce groupe sibérien des années 2000.

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Lundi 3 juillet : Dernier jour à Belokourikha et retour en train à Novossibirsk.

C’est dans le train Biisk-Novossibirsk que je commence à écrire ces pages. Nous avons pris la version « ouverte » des trains de nuit, c’est-à-dire qu’il n’y a pas de couloir avec des portes donnant sur les compartiments, mais un passage bordé de quatre couchettes sur la droite, et, sur la gauche, deux superposées le long de la cloison. C’est la façon la plus économique de voyager en Russie et c’est assez convivial. Nous avons commencé le voyage vers vingt heures et peu à peu tout le monde s’est mis à monter son lit. Après les gens s’allongent, la lumière se met en veilleuse et c’est la magie sonore si caractéristique de ces trains de nuit en Russie.

Mais avant que tout le monde s’installe en position repos, on a le temps de profiter des arrêts pour se détendre les jambes ou prendre quelques photos…

Hier Paris Sepia a eu son dernier concert à Belokourikha. C’était dans un sanatorium du nom d’Altaï West. On nous a accompagnés dans un petit salon aux murs garnis de banquettes confortables. Une équipe de manager très à l’écoute et sympathiques. Puis le public a commencé à arriver et à s’installer sur les divans. On a même dû amener des chaises en renfort et le concert a commencé.

Les conditions presque acoustiques du concert et un public très attentif a porté les musiciens à une extrême concentration. Susan et Jean-Paul sont entrés dans des subtilités d’interprétation qui m’ont impressionné. D’ailleurs j’ai pu moi-même ressentir les bénéfices de ces conditions particulières lorsque nous avons joué les trois chansons de Gainsbourg que nous interprétons ensemble.

Après « Le poinçonneur des Lilas » je suis parti avec Daria, qui était passée nous écouter, rejoindre Kostia qui avait déjà commencé à jouer au « Vremia Yest ». Là-bas nous retrouvions une partie des habitués de la semaine. C’est ainsi chaque semaine m’a raconté Daria. Les gens viennent en général pour une semaine de vacances. Ils les découvrent le jeudi (ils ne jouent pas en début de semaine) et reviennent les écouter jusqu’au dimanche. Comme nous l’avons déjà fait samedi, nous avons joué tous les trois en alternance, trois ou quatre chansons chacun. Nous avons ensuite été rejoints par Susan et Jean-Paul, eux-mêmes accompagnés par une autre Daria, la manager des spectacles du sanatorium « Katoun », là où nous avons joué notre première date à Belokourikha. Une ambiance sympa et conviviale jusqu’à la fermeture, avec des clients attentifs et amicaux. Daria interprète une dernière chanson…

Cet après-midi nous avions décidé avec Jean-Paul d’aller dans une des piscines de la ville. Nous longeons à nouveau la petite rivière Belokourikha et me revient à l’esprit la photographie que m’a montrée hier soir Kostia. C’est un cliché du premier bâtiment de bains, construit au bord de la rivière. A la place fut construit le plus vieil établissement thermal de la ville encore existant, que l’on reconnait facilement pour son style néo-classique et sa couleur turquoise. Or Kostia me faisait remarquer qu’à cette époque (1923), la colline, derrière l’établissement, était absolument nue, sans aucun arbre. Ce qui laisse déduire que toute cette immense forêt qui entoure la ville et la station a été créée de toute pièce. Je fais voir les deux photos, celle de 1923 dont j’ai parlé, et celle que j’ai faite aujourd’hui. La comparaison est vraiment impressionnante !

Le premier bâtiment de bains à Belokourikha (1923)
Le même endroit moins d'un siècle plus tard...

Lorsque nous sommes arrivés à l’entrée de la piscine où j’avais été pour l’écriture des « Carnets de Sibérie », nous avons été très contrariés d’apprendre qu’elle est, en fait, réservée aux résidents du sanatorium « Belokourikha ». Je découvre donc rétroactivement mes privilèges du passé… Avec Jean-Paul nous avons donc essayé de trouver une autre piscine. On finit par en trouver une, extérieure, qui, elle, ne vend que des entrées à la journée pour 25 euros ! On a donc fini par aller boire un café et discuter tranquillement de politique en attendant l’heure qu’on avait indiquée pour notre retour.

Plus tard, nous retrouvons Daria, Kostia et le petit Victor dans leur appartement. Quelques derniers instants partagés autour de la table familiale et il était temps de prendre nos valises et de leur faire nos adieux. Je tiens à leur adresser mon chaleureux remerciement pour leur accueil chez eux pendant les cinq jours de notre présence dans le petit « Kouror » (station) de Belokourikha. Avant de se quitter, un voisin nous permet de nous rassembler tous les six devant mon appareil photo, - pour une photo souvenir devant leur immeuble…

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Jeudi 6 juillet : Vers Tomsk, un écrin de Sibérie, pour le dernier concert ensemble.

Après une journée de relâche à Novossibirsk, nous nous retrouvons avec Susan et Jean-Paul à l’Alliance Française où ils avaient déposé leurs affaires pour l’après-midi. Petite conversation avec les personnes présentes à l’alliance en cette période estivale, Anna, Adrien et Sveta, et nous partons prendre le train à la « grande gare » (Главный вокзал) de Novossibirsk, direction Tomsk.

Le train Novossibirsk-Tomsk est un train express. Ce n’est pas un TGV, loin de là, mais il a la capacité de dépasser les 80 km/h, ce qui n’est pas le cas de la majorité des trains en Russie. N’oublions pas que le Transsibérien franchit 7 fuseaux horaires à 80 km/h de vitesse de croisière !

Le statut de train rapide se ressent nettement aux arrêts. Pas même le temps de fumer trois bouffées de cigarette que le provodnitsa (le chef de wagon) vous rappelle pour refermer la porte derrière vous. Ce qui explique que cette jeune provodnitsa doive se cacher pour fumer à l’entrée de son wagon, se faisant photographier par hasard par un de ces français incorrigiblement curieux !

Nous sommes arrivés à Tomsk vers dix heures du soir. Devant la grande gare au style russe caractéristique, nous attendons le taxi qui doit nous conduire à notre « hostel ».

Il s’agit d’une sorte de mélange entre l’hôtel et l’auberge de jeunesse, avec des chambres et des dortoirs et un espace cuisine collectif. Le nôtre se trouve dans la rue Gagarine, une des rues les plus pittoresques de la ville, bordée d’isbas de maître aux décorations magnifiques. Notre « hostel » est d’ailleurs l’une des plus jolies maisons de la rue, d’un style russe influencé par l’art nouveau. Une vraie réussite architecturale. Ceci dit, l’intérieur a été totalement refait et n’a plus rien de traditionnel.

                               

Le lendemain, nous avons la mauvaise surprise de découvrir que le temps est mauvais, pluvieux et, pour la première fois de l’été, assez frais. Je n’avais pas prévu cette éventualité et il me faudra acheter un blouson imperméable pour tenir le coup tellement la bruine est froide et pénétrante. Je tâche de faire quelques clichés mais décidément, cette lumière de temps grisâtre est à vous donner le cafard. L’après-midi je tente une petite promenade pendant que Susan et Léa préparent leur concert du soir. Depuis que je suis ici, j’espère apercevoir la rivière Tom, qui a donné son nom à la ville. Je tomberai nez à nez avec ce drôle de personnage qui m’attendait sur le quai désert.

                

A six heures nous partons tous les trois pour le « Jazz Underground ». Susan et Jean-Paul, après avoir vu la grande toile imprimée rappelant les affiches des plus célèbres artistes s’étant produit du jazz club sont très impressionnés. Nous sommes reçus par le directeur artistique, Andreï, qui va nous aider à nous installer, faisant lui-même la balance, en même temps qu’il installe les caméras qui vont enregistrer l’ensemble du concert.

Le Jazz underground est un endroit très agréable. Une boite de jazz typique, ornée un peu partout de photographies de jazzman célèbres, et quelques peintures sur le même thème. Etant installé tout en longueur, tout le public ne peut avoir vue sur la scène. C’est pourquoi trois petits salons sont alignés le long d’un couloir, et les spectateurs présents à ces endroits auront accès au concert par une sonorisation et des écrans vidéo qui diffusent le concert en direct. Ces places ont pour avantage de coûter quatre fois moins que celles placées autour de la scène.

Les clients arrivent peu à peu tandis que Susan et Jean-Paul finissent de s’installer. Ils n’auront guère de répit avant de commencer dans une salle qui s’est complétement remplie. Ils vont avoir le grand plaisir de réaliser leur concert le mieux accueilli de la tournée. Les spectateurs seront toute ouïe, passionnellement à l’écoute. Jean-Paul, fort de ce soutient, va assurer des présentations zélées et convaincantes que traduira Anna, une étudiante qui a appris le français toute seule et dans le cadre d’un club français organisé par la bibliothèque Pouchkine.

Un vrai succès pour notre petite équipe. Le concert a été ovationnée à la fin, à tel point que pour la première fois de la tournée, le duo a dû reprendre ses instruments pour deux bis. Le concert terminé les fans se sont approchés des artistes pour demander des photos avec eux, pour faire signer des autographes. Cela pendant un bon moment jusqu’à ce que deux couples, après une série de photos, décident de chanter avec nous. Ils ont apporté une bouteille de calva fait maison qu’ils nous ont fait déguster, Vitia a pris ma guitare, Jean-Paul a repris son banjo, Susan l’accordéon et c’est parti pour une petite improvisation finale.

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Samedi 8 juillet : Dernier jour ensemble à Tomsk - La fin de l'aventure !

Anna, qui a assuré la traduction lors de notre dernier concert, avait proposé de nous tenir lieu de guide lors de notre dernière journée à Tomsk. Nous sommes donc partis ensemble explorer la ville, à pied, - la meilleure façon de visiter une ville, pour autant que sa dimension le permette. Pour Tomsk c’est possible. Nous avons commencé par rejoindre une rue parallèle à la rue Gagarine et qui est en fait un couloir de tramways que Jean-Paul avait repéré la veille. Dans une zone herbeuse bordée d’arbres, le long d’un alignement de vieilles isbas, les trams passent à débit rapproché comme des scolopendres de carnaval. Une promenade très agréable, reposante et dépaysante, - une de celles dont les Russes n’imagineraient jamais qu’elle puisse plaire à des étrangers !

Anna nous a ensuite conduits vers un petit monastère. Nous avons pu entrer dans l’église et prendre quelques clichés et bouts de films, jusqu’à ce qu’un pope à longue barbe vienne nous dire que, sans l’autorisation du patriarche, on n’avait pas le droit de prendre des photos. Je baisse mon objectif au sol lorsqu’une femme s’approche de nous et nous dit : « Quand il sera parti, vous pourrez faire des photos à nouveau ! » Une façon de nous rappeler qui commande vraiment en Russie !

              

Nous sommes ensuite allés un peu plus vers l’Est, en traversant une grande place bordée de très belles isbas très joliment ornées. Nous traversons la rivière qui va se jeter dans la Tom à quelques centaines de mètres plus loin et commençons par emprunter une rue pavée qui monte vers un joli bâtiment en haut de la colline. Autour de nous un mélange étonnant d’immeubles modernes, soviétiques et d’anciennes maisons, certaines en brique rouge, d’autres en rondins de bois. En montant nous sommes doublés par une immense limousine suivie par un très cosy 4x4 blanc orné de rubans. Ils s’arrêtent sur la place en haut de la rue où sont garés quelques véhicules endimanchés et beaucoup de monde avec de très belles tenues aussi. Dans cette petite foule enjouée au moins deux mariées, et quelques dames d’honneur dans des robes à la fois glamour et diablement sexy ! Tout ce monde joyeux, chargé de fleurs avec des e-phones plein les mains, finit par franchir les marches qui mènent à une cour bordée d’un bâtiment ancien, ainsi que de la reconstitution d’un fragment de kremlin. Il faut entendre ici par « kremlin » une enceinte en bois qui était autrefois le cœur administratif de la ville entouré de fortifications. Là se mélangent divers groupes, ceux des mariés et d’autres venus célébrer d’autres évènements.

              

Car aujourd’hui est un jour de fête un peu particulier qui remonte au vieux monde slave. C’est-à-dire à la période qui a précédé la christianisation de la Russie. Il s’agit du jour de célébration d’une fête païenne qu’on appelle « Ivan Koupala ». Ce qu’il en reste ce sont des pratiques qu’adorent les garnements puisqu’elles leur donnent le droit d’arroser tout le monde. Mais c’est aussi l’occasion pour des nostalgiques de l’ancienne culture slave de faire des reconstitutions, des rituels païens à base de fleurs, d’eau et de feu. Ce qui justifiait la présence de cette jolie femme en costume.

En descendant un escalier en bois nous pouvons rejoindre le Musée de la mythologie slave. Après avoir acheté quelques souvenirs nous sommes allés visiter la petite galerie présentant un ensemble de scènes mythologiques où posaient de mystérieux personnages, hommes ou femmes, à l’allure pacifique ou non. Je ne ferai pas de compte rendu de cette visite, la fatigue des kilomètres de marche rendant notre attention quelque peu segmentaire…

Cette peinture illustre très probablement la fête d'« Ivan Koupala », réunion de l'eau, du feu et de la nature dans toute sa fécondité.

Anna, et sa père Elena qui nous avait retrouvés, nous a ensuite accompagné jusqu’à un pub irlandais certainement à la mode en cette Russie contemporaine. Je profite des dernières minutes passées ensemble pour les photographier. On se reverra peut-être à l’occasion d’un prochain concert au Jazz Underground ? On verra.

              

Jean-Paul et Susan m’ont accompagné à la gare. Nous avons pris le bus n°11 et je n’ai pas pu résister à la tentation de faire un nouveau cliché pour ma série des voyageuses urbaines. Cette dame m’a accueilli avec ce très beau sourire. Elle était enceinte et avait posé ses fleurs sur son ventre : à la fois pour le dissimuler et pour honorer la vie qu’il portait. Une vision très attendrissantes pour les dernières minutes passées ensemble et qui me ramène à la vie d’avant l’arrivée de Susan et Jean-Paul : dès demain je me remets à mes études et à ces trajets quotidiens à l’Alliance Française. Et à ces voyageuses urbaines qui sont les fleurs croisées en chemin. Bonne continuation les artistes ! Bonne découverte du lac Baïkal, vous m’en direz des nouvelles !!!

Cette photo diffère un peu de celle que j'ai retenue pour la série. La jeune femme tient ici la carte postale de l'expo que je lui ai offerte. Pour voir l'autre version, cliquer ici.

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10 juillet 2017 : De Tomsk au Lac Baïkal par Susan et Jean-Paul

En mon absence Susan et Jean-Paul sont partis vers Irkousk et le Baïkal, aidés par Natalia pour l'organisation de leur voyage et le contact avec l'Alliance Française d'Irkousk.

Je leur laisse la parole pour raconter cette partie de leur tournée qui s'est peu à peu transformée en séjour touristique :


Nous quittons la ville à la tombée de la nuit depuis la petite gare de Tomsk 2. La nuit est courte en Sibérie : elle ne vient que vers 23h et le jour se lève vers 4h. Dans ce train à destination d'Irkoutsk, nous retrouvons la même ambiance familiale et conviviale que dans les autres trains que nous avons pris. Mais là, nous partons pour 31 heures de voyage. Le paysage défile tranquillement à 80 km/heure, sensation infiniment agréable car nos yeux ont le temps de capter l'image, pas comme dans le TGV! Forêts de bouleaux et de pins, étangs et villages aux maisons de bois... Six heures séparent Moscou et Irkoutsk et toujours cette steppe immense et quasi inhabitée. Heureusement que les pâtes rapides, que consomment tous les russes dans les trains, nous occupent près du gros samovar qui distribue l'eau chaude pour tout le wagon.



Irina, de l'Alliance Française d'Irkoutsk, nous accueille à la gare et nous emmène à pied à l'hôtel. La chambre ne nous convient pas car, faute de place, nous ne pouvons pas y poser nos deux valises et instruments. Nous partons nous installer dans un hostel propre et dynamique  au coeur de la ville, à deux pas de l'Alliance et du lieu où nous jouerons dans deux jours.
En sortant, nous nous arrêtons pour écouter un jeune homme qui joue des cuillières avec dextérité. Dans cette rue pietonne, on admire l'élégance de ces batiments construits au début du XX° siècle. 1908, 1911...les inscriptions au-dessus des portails nous rappellent les dates des compositions que nous jouons.

Le lendemain, Irina a organisé une rencontre avec des élèves de l'Alliance Française. Nous échangeons avec eux en français pendant plus de deux heures! Chacun est fasciné par le regard et les expériences de l'autre, leur image de la France et la nôtre de la Sibérie. Les réflexions et questions sont nombreuses!

Nous avons rendez-vous dans l'après -midi avec Nikolaï pour visiter Irkoutsk. Ce jeune homme est d'origine bouriate, c'est-à dire qu'il fait partie du peuple qui vivait dans la région avant l'arrivée des russes. Il part bientôt poursuivre ses études de médecine à Grenoble et  parle un français impeccable.  Notre visite nous mène à l'Arche de Moscou, au Cirque d'hiver et le long  de la rivière Angara...

 

Nous sommes le 14 juillet. C'est bientôt l'heure de notre dernier concert en Sibérie qui a lieu au Coffee 'N'Book, “la Corneille Noire” tenu par Andreï.

La salle est comble. Certains restent debout, faute de place. La traduction est faite par Elena, professeur de français. Irina se charge des photos et vidéos. Quand s'éteint  la dernière note du concert, tout le monde se lève, comme si un ressort les avait éjectés de leurs sièges. Un hommage qui nous va droit au coeur. L'évènement avait été très bien préparé par Irina : de belles affiches, des flyers, des billets décorés, des cartes de visite de l'Alliance Française sur toutes les tables... ses efforts ont été largement récompensés.

Le lendemain, nous partons pour Listvyanka, un petit village balnéaire au bord du Lac Baïkal. Nous vivons là deux jours comme des touristes russes, d'autant plus que c'est le weekend et la plage est bondée. Nous dégustons l'omul fumé, un poisson endémique du lac et je me permets même un plongeon dans les eaux glacées du Baïkal.

Nous découvrons en haut du village une galerie des artistes-peintres sibériens et une plus petite galerie tenue par une vieille dame peintre elle-aussi. Ses oeuvres dégagent une luminosité et une rêverie qui nous rappelent Chagall.

Notre voyage s'arrète forcément sur ce lac mythique, but ultime de la traversée du pays. Que retenons-nous de ce voyage? Que la culture russe recèle d'inombrables secrets sur les relations hommes/femmes, le rapport à l'alcool, à la politique et à leur propre histoire  si complexe et souvent douloureuse. Les russes ont aimé notre musique, c'est certain. Ils nous ont acceuilli avec leur rudesse et leur discrétion particulières et leur organisation  efficace. Cela nous donne envie de revenir...pourquoi pas en hiver?

 





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La suite dans "La tournée d'hiver de Paris Sepia"