11 février 2018 : Le musée en plein air d'Akademgorodok et son extraordinaire église

La fête russe dite de "Maslenitsa", fête païenne des crèpes (11 février), précédant la chandeleur, nous a donné l’occasion d’approcher un bâtiment que je rêvais de découvrir depuis un certain temps, - mes tentatives du printemps s’étant heurtées à une grille fermée. Il faut dire que la raideur quelque peu excessive de l’institut d’archéologie ne facilite pas la découverte d’un espace pourtant extrêmement intéressant. Et c’est sans doute ce qui motive l’indifférence des agences touristiques locales pour ce lieu.

Il s’agit donc d’un musée en plein air. Pour le visiter, en saison d’été, il faut se soumettre à une procédure un peu lourde, réserver sa place et attendre que l’institut organise avec les inscrits une visite quand son personnel est disponible. Une procédure pas toujours accessible à tout le monde.

En tout cas, la pièce centrale de ce musée est une impressionnante église dont l’histoire est tout à fait passionnante. Cela commence dans le village de Zashiversk, fondé en 1639, et perdu dans la toundra polaire de l’actuelle Yakoutie. L’église a été construite en 1700 et disparaît des mémoires à la fin du XIXème siècle. Pourquoi ? Parce qu’une épidémie de variole va décimer toute la population du village…

Jusqu’en 1929 où, le 4 mai, une expédition découvre l’église dans le village détruit. La découverte est relatée dans le journal d’un certain B. A. Levanov qui s’étonne de la qualité d’une telle architecture, et notamment de sa coupole en alvéoles. Il ne peut pas s’agir de l’œuvre d’un simple menuisier s’exclame-t-il, ou alors il s’agit d’un grand maître !

On parle à nouveau de l’église en 1933 dans le rapport d’une expédition hydrographique : "Anciennement centre administratif du nord-est de la Yakoutie, la ville de Zashiversk n'a maintenant plus de population et il ne reste à son ancien emplacement que les ruines d’une église en bois". Une évocation à nouveau dans un livre écrit en 1957 par V. I. Ogorodnikov « La découverte de la Yakoutie par les Russes au XVIIe siècle et son adhésion à la Russie ». Reprenant cet article, un autre écrit en 1960 précise que « Maintenant il ne reste à Zashiversk qu’un seul bâtiment délabré, une église protégée par l'Etat en tant que précieux monument historique de l'ancienne architecture en bois. " Texte bref mais accompagné d’une photographie éloquente de l’église dite du Saint Sauveur.

Une autre publication de 1968, avec quelques photographies, commença par exciter considérablement la curiosité et la volonté de sauver un bâtiment condamné à l’abandon. D’autant plus que la nouvelle Akademgorodok de Novossibirsk, pourvue de moyens nouveaux, et l’Institut d'Histoire, de Philologie et de Philosophie de la branche sibérienne de l'Académie des sciences d'URSS comportaient quelques professeurs d’archéologie qu’un bâtiment de 1700 intéressait au plus haut point. C’est d’ailleurs à cette période que le musée en plein air a été fondé (sur un premier site, il n’occupe la place actuelle que depuis 1981). Un tel édifice avait donc parfaitement sa place dans ce lieu de sauvegarde et une expédition fut organisée en 1969, avec, pour chef, l’archéologue Aleksey Okladnikov. On se rend à Iakoutsk en avion, où on en profite pour repérer ce qu’on peut retenir des restes du passé. Un inventaire est fait à Iakoutsk, puis une expédition s’envole pour un nouvel inventaire vers Zyryanka sur le bord de la Kolyma. Kolima qui, avant d’être la région des terribles camps soviétiques, était, et est toujours, tout modestement, un fleuve. De Zyryanka un hélicoptère les conduit à Zashiversk et les laisse se débrouiller là. Ces informations ont été empruntées au livre rédigé par A. P. Okladnikov, Z.V. Gogolev et E.A. Asherkov « La vieille ville de Zashiversk ».

Je fais une petite pose à mon exposé pour me replacer, avec une photographie, dans ce musée en plein air, le dimanche 11 février. Devant moi se trouve Daria Shemelina à qui je dois toutes ces informations et la connaissance du livre dont j’ai parlé ci-dessus. Daria est en train de me raconter plein de choses passionnantes sur ce qu’elle tient de ses professeurs architectes.

Daria est très curieusement une spécialiste des fortifications de Vauban. Pour l'auteur de ce blog, originaire de Besançon, c’est forcément parlant ! Docteur en architecture elle a été l’élève de Nikolay Zhurin et de Sergey Balandin, tous les deux membres de l’expédition de 1969. Cette première expédition avait pour but de faire l’ensemble des relevés nécessaires au démontage qui se ferait majoritairement dans l’exploration suivante, en 1970. Les deux futurs professeurs de Daria ne sont pas archéologues comme la majorité de l’équipe et notamment le directeur de l’expédition, A.P. Zaradnikov. Ils sont professeur d’histoire de l’art (Balandin), thésard et futur chef de la Chaire d’Histoire de l’Architecture à l’académie d’Architecture (Zhurin). Pourquoi ces architectes ? Parce que les archéologues avaient besoin d’eux pour réaliser les plans de l’église, la structure du bâtiment, et l’ensemble des relevés qui permettraient le démontage et surtout le remontage. Bref, tous les problèmes d’architecture qui n’allaient pas manquer de se poser pour démonter, et remonter quelques milliers de kilomètres plus loin, un tel édifice. Pas de démontage en cette première expédition excepté le clocher.

Daria, bien sûr, a entendu Nikolay Zhurin, dont elle a été l’élève pendant sept ans, lui raconter cette drôle d’expédition. Tout d’abord il y avait le problème de la variole qu’on risquait bien de ressusciter en déterrant le Saint Sauveur. Mais ce détail n’inquiétait pas plus que ça ces passionnés tout à leur ouvrage ! Il y avait aussi le problème bien palpable du permafrost qui interdisait, vu la dureté du sol, de planter des tentes. Il a donc été décidé de dormir dans l’église, avec le fantôme de la petite vérole (nom donné à la variole) sous leur matelas. Et puis le directeur de l’expédition, Aleksey Okladnikov, était diabétique. A l’époque il n’y avait pas de seringue jetable pour l’injection d’insuline. Il fallait donc faire bouillir la seringue avant chaque injection. Voilà les quelques aventures rapportée par Daria. Je pense qu’il est difficile d’imaginer les conditions de travail qu’on pouvait avoir à l’époque. Quelques extraits du livre cité expriment les difficultés qu’ils avaient eues à se nourrir correctement. L’un d’eux regrette leur méconnaissance totale de la chasse qui aurait pu leur éviter un régime assez pénible.

Les membres de l'expédition à Zashiversk, 1969 (de gauche à droite): Le photographe V. M. Semenov, jeune chercheur associé M.I.Ugrin, photographe L. L. Greb, caméraman O. G. Maksimov, candidat des sciences historiques. V.Gogolev, jeune chercheur. A. Ivanov, académicien AP Okladnikov, Professeur IV Makovetsky, E.A. Ashchepkov, candidat à l'architecture SN Balandin, architecte Nikolay Jourine

La deuxième expédition a eu lieu l’année d’après avec une équipe entièrement composée d’archéologues avec A.P. Derevyanko à leur tête. Ils vont donc, aidés d’un hélicoptère, procéder au démontage de l’église. Les rondins et l’ensemble des ouvrages en bois ont été transportés sur une barge descendant la rivière Indiguirka, tandis que le haut du clocher s’est envolé avec l’hélicoptère ! Et voilà comment le Saint Sauveur enfin sauvé s’est retrouvé dans le musée en plein air de Novossibirsk. Depuis, les archéologues ont pu, au fil des archives, remonter à sa conception, pour finalement l’attribuer au philistin Andrey Khabarov.

Il n’y a pas que cette merveille dans ce musée. Bien qu’elle en soit naturellement la perle rare. On y trouve aussi une tour cosaque Yuil'skiy (ou Kazymskiy), partie d’une forteresse qu’on appelait “ostrog”. Elle a été importée de la haute région de l’Ob, une région frontalière dont la surveillance était assurée par les Cosaques. On y trouve aussi un grand nombre des stèles en pierre et des statues de diverses époques, du Paléolithique au Moyen Âge. Les souriantes « baba » des Huns, et quelques pierres plus anciennes gravées par des hommes de la préhistoire. Une yourte aussi où sont exposés des objets en bois trouvés lors des fouilles sur le plateau d’Oukok, où a été trouvée l’étonnante princesse des glaces aux membres couverts de tatouages raffinés.

On y trouve aussi un grand nombre de pierres dressées et sculptées. Les souriantes « baba » des Huns, et quelques pierres plus anciennes gravées par des hommes de la préhistoire. Une yourte aussi où sont exposés des objets en bois trouvés lors des fouilles sur le plateau d’Oukok, où a été trouvée l’étonnante princesse des glaces aux membres couverts de tatouages raffinés.

Un bien beau musée donc et, à mon avis, pas assez souvent ouvert au public. En tout cas, en ce jour de fête de la chandeleur, les portes étaient grandes ouvertes et le site envahi d’un monde familial très sympathique. Des toboggans de glace avaient été faits pour les enfants, un château de glace, un mas dressé pour que les plus habiles aillent détacher un cadeau à leur faîte. Un tour en troïka était aussi proposé gratuitement à qui daignait bien faire la queue. D’ailleurs j’ai le témoin d’un petit drame à ce propos. Tout petit mais quand même impressionnant. J’avais remarqué que la troïka avait tendance, après le virage derrière l’église, de glisser un peu brutalement dans un dénivelé du chemin. Je m’étais donc posté là, non pour saisir un accident mais pour avoir un joli point de vue dans le sens de la lumière. En outre j’avais opté pour les prises de vue en rafale afin de choisir le meilleur cliché dans l’action. C’est alors que le drame s’est produit. Tout à coup le traîneau s’est penché, penché, et presque couché sur le côté. Un premier homme est tombé, puis un deuxième, puis une femme dont malheureusement la jambe s’est coincée dans les jambes de quelqu’un d’autre. On voit une spectatrice, venue elle-aussi faire quelques clichés, courir affolée derrière le traîneau déversant ses passagers. Elle a eu aussi peur que les victimes. Seule la femme à la jambe coincée a semblé avoir souffert de l’accident. Elle s’en tirera avec un bon bleu. Quant au cocher, il a ralenti la cadence de ses fougueux destriers pour les tours suivants. Je comprends son plaisir à donner du mors à ses fougueux chevaux absolument magnifiques.

Voilà pour ce sympathique dimanche après-midi. Un groupe folklorique local l’animait de jeux, de rondes folkloriques et de chansons et, dans le local du musée, on proposait de déguster des crêpes, avec du miel, de la confiture de canneberge et du thé ou du morse, sorte de nectar de baies (canneberges, airelles…). Un évènement typiquement russe dans un lieu célébrant la mémoire des peuples de Sibérie, les russes et les natifs de la région. Je termine cette page de blog par une photo de ma fille et sa maman, car évidemment elles étaient avec nous. Comme les adultes, les enfants ont adoré cette célébration !

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14 avril 2018 : Réunion de travail avec nos partenaires - la création de notre catalogue

Nous attendions avec tant d’impatience ce moment si important pour le développement de notre activité touristique que ce fut avec émotion que nous sommes arrivés dans la station de Belokourikha. Nous avons déjà beaucoup parlé, et dans de nombreux blogs, de Belokourikha, ce qu’on pourrait appeler « la » station touristique de l’Altaï, en tout cas du Kraï de l’Altaï. Il suffira de regarder les sommaires de nos blogs pour la découvrir aussi bien en été qu’en hiver.

La journée de travail que nous avons programmée pour ce 14 avril est la suite logique de notre visite au salon du tourisme de Lyon ainsi que de nos rencontres à Paris. Elle devait mettre les partenariats engagés avant le départ pour la France à l’épreuve de nos objectifs : la réalisation de notre catalogue de voyages pour 2018/2019. Suite au travail efficace de phoning mené par Andreï, nos partenaires ont globalement répondu à notre invitation. Nous avons aussi failli réunir toute l’équipe de francaisensiberie.com, sauf qu’une maladie a retenu Alecia à Novossibirsk et que l’absence d’avions réguliers venant de Moscou pendant le week-end n’a pas permis à Alexeï Jarkov d’être parmi nous. Le coeur y était pourtant, de son côté comme du nôtre ! On a donc pu remarquer à nos dépens que les compagnies aériennes ne facilitent pas la venue des Moscovites en Altaï le week-end…

En tout cas toutes les agences touristiques invitées étaient là. Quant aux sites réceptifs et à leurs représentants, le oui jeté au départ a été contrarié par différents facteurs, et en premier lieu par la fonte des neiges et leurs inondations qui coupent bon nombre de routes descendant des montagnes d’Altaï. Ce ne sera pas trop difficile de les recontacter, les sujets à aborder n’étant pas aussi complexes que le montage des itinéraires que nous avions à mener avec les agences de voyages. C’est pourquoi nous avons apprécié qu’aucune d’entre elles ne nous ait fait faux bond, et même que de nouveaux partenaires soient venus se présenter et réfléchir avec nous avec beaucoup de pertinence.

Pourquoi avoir décidé cette rencontre à Belokourikha ? Parce, d’abord, la station se trouve à proximité de la majorité de nos partenaires. Mais surtout parce que le domaine de l’hôtel SPA « Rossya » a bien voulu nous inviter à mener cette rencontre dans ses murs, et particulièrement dans son hôtel bussiness. Une salle de réunion très bien équipée, le déjeuner et le dîner pour tous les participants, et deux nuitées pour Andreï et moi nous ont été gracieusement proposés. Un engagement qu’il nous faut vivement remercier. Nous référons à notre blog pour qui souhaiterait découvrir le magnifique domaine créé par Fédor Elfimov et sa femme qui nous avaient si gentiment reçus cet hiver.

L'hôtel Business Rossya
La façade de l'hôtel business Rossya à Belokourikha

La matinée de cette rencontre a consisté à la présentation des personnes présentes, des objectifs et des modalités de cette journée, et à faire un bilan des contacts pris en France au mois de mars dernier. Il était aussi question de rendre compte des demandes et des remarques qui nous avaient été faites par les agences françaises, des idées qui ont surgi des discussions avec les représentants d’agences françaises mais aussi avec certains acteurs particuliers du tourisme : des voyageurs blogueurs, des auteurs… Ce qu’illustre cette photographie prises alors que j’étais en train de parler d’un projet de trek géant en camping-car !

Après un déjeuner pris dans le grand self de l’hôtel spa, nous sommes revenus dans notre salle de réunion pour des ateliers de 30 minutes avec chacun de nos partenaires. Nous avons pu pendant tout l’après-midi discuter des propositions d’itinéraires qui nous étaient faites, faire parfois des choix ou affiner des détails, discuter des prix et même inventer un nouveau concept à partir de ce que nous présentait notre partenaire et ce dont il nous avait parlé auparavant.

Un formidable travail mené avec rigueur et en même temps bonne humeur. Andreï et moi d’un côté, et chacun de nos partenaires à tour de rôle. Il semble que tous nos invités aient apprécié le duo que nous formons Andreï . Je rappelle qu’Andreï m’a déjà beaucoup accompagné lors de ma première résidence en Altaï en 2012. Des moments à voyager ensemble qui nous ont permis de très bien nous connaître et nous apprécier. Depuis, nous nous sommes revus régulièrement et notre rythme de travail s’est considérablement densifié depuis cet hiver, entre le temps passé à accompagner la tournée de Paris Sepia, puis à préparer mon voyage en France, et enfin à préparer cette rencontre. La présence de tous ceux qui sont venus à Belokourikha est le fruit de son travail acharné et c’était un vrai plaisir d’associer nos compétences pour réussir les objectifs fixés pour cette journée, et même, disons-le, pour les dépasser. Car il s’est vraiment produit quelque chose qu’il est difficile à définir, mais dont on voyait le résultat sur les visages à la fin de la journée. Un plaisir à être ensemble de ces professionnels venus de Biisk, Gorno Altaïsk, Barnaoul ou de villages en Altaï, qui ont réussi à échanger entre eux des idées, des projets, tout cela autour du projet de francaisensiberie, tout le monde comprenant qu’il y a plus à gagner à travailler en réseau plutôt qu’à s’enfermer chacun de son côté.

Elena Krassoulina, agence Piatnitsa
Victor et Tatiana Chalimovy, village de Bechpeltir
Vladimir et Mariana, Altaidive
Nina Petrovna et Natalia Romanova, Mir Poutichestvy
Irina et Alexeï Savtchenko, Alaktu
Alona Borobieva, Altaï Mix

La prochaine étape sera donc la publication de notre catalogue pour le début du mois de mai. Nous donnons donc rendez-vous à nos lecteurs, qu’ils soient professionnels ou simplement amateurs de voyages, pour découvrir les fruits de cette journée d’échange et de rencontres. Il y aura des choix variés, de grandes nouveautés par rapport à ce qui est présenté actuellement sur le marché. Je termine aussi pour dire que cette rencontre a aussi été pour moi l’occasion de faire un petit cours d’interculturalité à ces professionnels russes du tourisme. J’ai été écouté avec une grande attention, beaucoup d’intérêt et parfois d’amusement. Tous ont très bien compris qu’il vaut mieux connaître son client pour le recevoir le mieux possible. Et les Russes adorent qu’on leur raconte le mode de vie des Français, à commencer par leur repas traditionnel qui, ne l’oublions pas, fait partie du patrimoine mondial de l’Unesco !

Une photographie réalisée à la fin de l'après-midi, juste avant de partir pour le repas du soir

Après une deuxième nuit dans une chambre très bien équipée et très agréable de l’hôtel business, nous sommes remontés à Barnaoul avec Alona de l’agence Altaï Mix qui a accepté de nous accompagner à l’aller comme au retour dans sa magnifique Mercedes break de vingt ans d’âge et ses sièges en cuir ! Un voyage qui nous a permis d’apprendre l’appartenance d’Alona au peuple des Koumandines. Il était évident que nous allions ensemble développer un itinéraire à la rencontre de ce peuple natif d’Altaï pour lequel j’avais déjà écrit un blog, et même un roman qui hélas, n’a pas encore trouvé d’éditeur. Mais qui sait, cela viendra peut-être un jour ! Une dernière photo avec Andreï et Alona avant notre départ pour Barnaoul.

Merci à elle, merci à tous d’être venus et un immense merci à l’ensemble Rossya de nous avoir accueillis, ainsi qu’à Alexandre Gritsenko, Chef du département du développement, pour nous avoir accompagné et veillé à ce que tout se passe bien du matin jusqu’au soir de cette journée qui marquera une étape clé du projet de francaisensiberie !

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6 juillet 2018 : Les écrivains Christian Garcin et Tanguy Viel à Novossibirsk

Le temps passe très vite lorsqu’on a décidé de s’installer dans un nouveau pays et surtout d’y vivre, - entendons par là « y gagner sa vie ». Le temps passé au lancement de francaisensiberie est quelque peu invasif et ce blog doit être trop souvent mis en jachère pour que le reste du projet puisse avancer. Mais les graines sont semées et le soleil est bien présent en ce mois de juillet en Sibérie, - la germination est donc en cours ! C’est donc une belle occasion que la visite à Novossibirsk de deux écrivains pour recoller le bâton rompu de ce blog ! Alors d’où viennent-ils ces écrivains, que font-ils ici, et pourquoi mes collègues de l’Alliance Française de Novossibirsk ont-elles été chargées d’accompagner leur court séjour ?

L’Alliance Française, pour commencer par l’organisme où je travaille, fait souvent office de relai des projets initiés par l’Institut Français de Moscou. Nous avons eu une artiste, Elizabeth Saint-jalmes, puis un groupe de musiciens de jazz et samedi 6 juillet c’étaient deux écrivains français, Christian Garcin et Tanguy Viel.

Mais leur présence n’était pas due qu’à la programmation culturelle de l’Institut Français. Elle est liée à un projet des deux écrivains en accord avec leur éditeur. L’initiative en revient à Christian Garcin. Auteur du voyage, l’œuvre de Christian Garcin est intimement lié à ses expériences vagabondes. La Chine, le Japon, Tibet, Patagonie, Amérique, la liste est longue des pays qu’il a visité et qui ont inspiré ses romans, carnets de voyages ou ses chroniques. Mais la Sibérie occupe une place toute particulière dans cette liste, notamment dans « Les nuits de Vladivostok » où je l’ai rencontré (dans le livre je veux dire), jusqu’à dernièrement dans un petit livre aux allures de contes « Les papillons de la Léna ». Christian Garcin s’est beaucoup intéressé au cours des fleuves, la Léna disions-nous, l’Ienisseï et bien sûr le Baïkal qui a une place toute particulière dans « Les nuits de Vladivostok ». C’est donc dans ce processus de voyages suivi de livre que le projet qui l’a conduit ici appartient. L’idée était à peu près celle-ci : faire un tour du monde sans quitter le sol. Christian Garcin et Tanguy Viel se connaissent depuis quelques années. Ecrivains également connus, bien que quatorze ans les séparent, ils se sont croisés dans plusieurs manifestations et grandes messes littéraires qui peu à peu en ont fait des amis. Christian avait donc fait part à Tanguy de son désir de tour du monde sans décoller, jusqu’au jour où Tanguy lui propose de l’accompagner. Une réunion de deux noms connus qui a permis de convaincre leur éditeur de les soutenir dans leur désir commun. C’est ainsi qu’ils sont partis vers l’Ouest, en paquebot vers les Etats-Unis.

Christian Garcin - Tanguy Viel

Un peu plus de trois mois après leur départ vers l’Ouest, les voici qui rentrent vers la France depuis l’Est. La logique de la sphère est ainsi : vous allez toujours vers l’Ouest et vous vous retrouvez à l’Est ! Comme quoi cette affaire de conflit entre l’Ouest est l’Est est une pure absurdité ! En revanche, cette idée faire un tour de la planète « centimètre par centimètre » comme ils le disent va évidemment cultiver une vision de la terre et des mondes qui la peuplent bien spécifique et personnelle et ne manquera pas d’aboutir à un livre plein d’intérêt. Je leur laisse la parole pour exprimer leurs idées à propos de cette vision des hommes et de l’espace qu’ils ont poursuivi :


Nous nous sommes donc retrouvés, avec Léna Yourieva et Deborah Leklou, l’une chargée de la promotion culturelle et l’autre travaillant comme Volontaire Internationale à l’Alliance Française. Après une visite de la chapelle qui matérialisa le centre de l’empire russe, nous sommes partis visiter le musée ethnologique qui se trouve sur la grande place Lénine. Un très bel espace que les deux écrivains ont parcouru attentivement, des salles des ethnies originales de Sibérie à celles plus spécifiquement russes à l’étage, pour finir par une très belle exposition sur Novossibirsk en noir-et-blanc. Une visite qui peut s’avérer très intéressante pour les voyageurs qui, comme Christian et Tanguy, font une halte rapide dans la région. Les cartes des ethnies natives de Sibérie ; les costumes qu’on y découvre ainsi que quelques objets - du culte chamaniste aux plus rudimentaires instruments de pêche ou de chasse - les « parures » des animaux chevauchés (chevaux, rennes), selles, mors et étriers. De quoi permettre au voyageur de passage de se sensibiliser à l’épaisseur humaine de ce territoire et d’apprendre, comme moi, que la région de Novossibirsk appartenait autrefois au territoire des Tatares.

Christian Garcin - Tanguy Viel

Et puis l’heure est venue de la rencontre située au café Pitchii, près du grand cinéma Pobieda. La plupart bien sûr étaient étudiants de l’Alliance Française, mais cependant, une traduction simultanée aurait certainement permis au public de mieux s’immerger dans les pensées des deux écrivains voyageurs. Mais enfin, il y avait d’excellents locuteurs du français dans la salle qui n’ont pas manqué un mot. On a senti aussi très bien la complicité des deux hommes, se coupant rarement la parole, se partageant les réponses et offrant chacun un point de vue légèrement différent, ouvrant la perspective et laissant présager un livre à quatre mains passionnant.

Après la rencontre une petite promenade devant le grand opéra constructiviste et ses monumentales statues, l’occasion de réaliser un portrait des deux écrivains sur un fond cohérent et complémentaire, comme un champ-contrechamps dans le cœur de la ville.

Christian Garcin - Tanguy Viel Christian Garcin - Tanguy Viel

Nous avons terminé leur journée de visite dans un restaurant russe typique, le « Pietchki Lavotchki », un nom inspiré d’un film de l’écrivain réalisateur Choukchine qui n’a malheureusement pas franchi la frontière d’URSS, malgré son réalisme rural assez rafraîchissant. Un dernier échange sur ce que les uns savent, que les autres ignorent, et surtout une façon de se connaître un peu plus en profondeur. Une très belle demi-journée avec deux hommes attachants, sympathiques et doux. A l’addition Christian m’a beaucoup impressionné par ses capacités de calcul mental ! Une capacité certainement très importante pour le voyageur qui doit être toujours en mesure d’évaluer le coût réel d’un achat, quel que soit la monnaie en cours dans le pays visité ! Ils sont repartis vers leur bel hôtel Marriott, à côté de l’Opéra, et dont le style néo-art nouveau est une vraie réussite. Comme quoi l’Institut français ne fait pas les choses à moitié !

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Dimanche 7 juillet 2018 : Une journée au festinal d'Oust-Aleous

Deux visiteurs sont venus un jour à l’Alliance Française et Irina, la directrice, m’a proposé de les rencontrer. Il y avait Sergueï Tchesnokov et son assistante et ils s’occupaient de l’organisation d’un festival des cultures internationales. Ce festival aurait lieu le 7 juillet dans une base touristique en bordure de la retenue de l’Ob, à 140 km au sud de Novossibirsk, un peu avant la ville de Kamen Na Obi qui marque le début de la retenue qui deviendra ce qu’on appelle « La mer d’Ob ». Retenue qui a pour but de fournir l’énergie de la centrale hydro-électrique de Novossibirsk.

On m’a donc invité, en tant que Français, à interpréter quelques chansons françaises. Quatre, exactement. On passerait me prendre chez moi et on me ramènerait le soir. A huit heures le matin du jour « j », une certaine Irina m’attendait devant mon immeuble. Elle parlait français et j’ai appris qu’elle organisait des voyages dans la région/république de Khakassie. Une région encore peu connue mais qui recèle j’en suis sûr de grandes potentialités touristiques. Sa capitale est Abakan et j’ai appris qu’on y trouve des sources thermales que j’aimerais vraiment beaucoup visiter un jour. Dommage que nous ne nous sommes pas revus avec Irina dans la journée, comme si elle s’était fondue dans la masse des festivaliers.

En chemin, après deux heures environ sur une route parfois très bonne, parfois carrément mauvaise, nous avons aperçu un panneau qui nous indiquait le chemin menant à la base d'Oust-Aleous. Un chemin de terre parmi les pins sibériens, délice de silence et de senteurs résinées. Puis nous arrivons enfin à la base. « Enfin » car le chemin malmène quelque peu les véhicules et les passagers ! La base se trouve donc au bord d’un bras de l’Ob qui constitue comme une petite baie intérieure à l’abri des turbulences du fleuve. L’eau chauffe certainement un peu plus vite que dans le lit principal et on a aménagé une petite plage, des portiques s’avançant dans l’eau et permettant tout aussi bien la promenade que les plongeons des baigneurs.

Sous les pins, encore, sont disséminés d’autres bâtiments, gîtes, bungalows, restaurants, box de toilettes, - le tout distribué par une rue principale où l’on est en train d’installer les stands du festival. Chaque communauté y a son stand bâché, mais surtout les communautés installées en Russie comme les Tatars, Kirghizes, Ouzbeks, Arméniens, sans oublier bien sûr les Russes en habits traditionnels. Il y avait quand je suis arrivé une ambiance particulièrement joyeuse. Des petits groupes se constituaient autour d’un instrument (souvent l’accordéon) ou de quelques chanteurs et tout le monde se mettait à chanter, à rire aussi parfois et à danser bien sûr ! Les costumes riches de couleurs font ressortir le charme des visages. Dans ce contexte il n’y a pas que la beauté qui accroche l’œil, il y a aussi le pouvoir séducteur des visages de tous les âges, pourvu qu’ils aient quelque spécificité, un caractère bien appuyé, « une gueule » comme on dit en français. Et cette joyeuse assemblée n’en manquait pas.

Dans les allées on se fait inviter, et surtout si on a l’air d’un étranger de l’étranger ! Car il y a deux sortes d’étrangers pour les Russes. Les étrangers de l’intérieur, ceux « de nos anciennes républiques » comme ils le disent encore. Eux sont à moitié étrangers, et d’ailleurs ils bénéficient de l’administration russe de faveurs particulières comparé aux étrangers-étrangers… comme moi. Si je n’avais pas été étranger-étranger par exemple, j’aurais pu rester en Russie après mon mariage. Mais j’ai dû repartir tous les trois mois, pour trois mois en France. Et j’aurais tendance à dire que cette différence est en partie responsable de l’échec de ce mariage. Mais bon… En revanche, ici, au festival d'Oust-Aleous, c’était un peu l’inverse. Ma qualité de Français, visible par je ne sais quel signe distinctif, me valait un intérêt particulier et une sympathie immédiate. On me happait au passage, m’invitant à déguster un pirajok (petit pain fourré, sucré ou salé) ou même un samagon, la goutte locale. J’ai donc goûté à beaucoup des mets appétissants présentés sur les stands, donc rien déjà que la vue est un vrai délice !

Les costumes défilaient, se frottaient dans ces petites assemblées chantant ou dansant, et il y avait partout une joie particulière, pas habituelle dans les rues de Russie. Mais c’est un peu un des traits de la mentalité russe, le fait de mettre invariablement chaque chose à sa place. On ne sourit pas dans les rues parce que la rue ce n’est pas un lieu d’échange. Mais les intérieurs russes peuvent être très joyeux. Et là, c’était jour de fête, alors le sourire était de mise. Chaque chose à sa place, et chaque humeur. J’ai été assez amusé de ce groupe de musiciens chanteurs ou chanteuses. Je ne connais pas le nom de cette performance, mais il semble que cela se pratique jusqu’en Europe centrale puisque je l’ai déjà rencontré en République Tchèque. Le principe est une mélodie avec quelques éléments constants, et le reste est une improvisation. Ni en tchèque ni en russe je ne suis en mesure de comprendre, mais les visages indiquent qu’il y a de la malice dans ces paroles, du commérage bien aiguisé, et peut-être même quelques paillardises. Dommage que je ne comprenne pas, je suis sûr que j’en tirerais bien des secrets à propos de la mentalité souche de l’éternelle Russie !

Et puis est venu le temps de l’inauguration et des discours. Une étape incontournable en Russie. Cela a été l’occasion de prendre connaissance de la petite scène ou chacun allait à tour de rôle présenter un petit échantillon de sa culture. Après l’inauguration ont donc commencées les prestations. Chaque artiste ou groupe avait environ 10-15 minutes. On y trouvait beaucoup de produits d’ateliers artistiques animés par des associations ethniques. Une école de quartier ou de village, une association kirghize, turkmène ou Tatare. Il y avait même des chinois, des allemands… et un français bien sûr, avec un mélange de chansons des autres et des siennes : « La fille qui dort en pyjama » par exemple…

Après avoir attendu mon tour de chant je me permets une petite baignade. L’eau est d’une température agréable, de jeunes gens plongent depuis le portique, quelques familles étendues sur la plage, - une ambiance assez calme et reposante.

Mais déjà Sergueï vient me chercher : cela va être mon tour pour la dernière chanson. J’imaginais ce qu’ils avaient appelé la soirée gala un peu plus tard. Mais tout le monde est déjà devant la scène. En fait, à 19 heures tout sera terminé. J’ai donc juste le temps de m’habiller et de me rendre vers la scène. Encore cinq minutes et on appelle « la délégation française, Philippe B. Tristan ». Je suis donc une délégation à moi tout seul et interprète ma chanson « Bilal Hypnose ». J’aurai juste le temps de prendre le dîner avant qu’on vienne me chercher pour le retour. Un minibus nous ramènera à Novossibirsk, - qui me fera même l’honneur de me reconduire jusque devant chez moi.

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